Parmi les six romans que nous avons choisis pour Nos Envies de lire d’avril : Quand le printemps réenchante le vivant à travers six romans, il y avait une envie commune avec Lili : retrouver des récits lumineux, qui redonnent souffle et confiance après les mois figés de l’hiver.
Avril Enchanté d’Elizabeth von Arnim répondait à cet élan : un château italien, quatre femmes en quête d’ailleurs, une promesse de renouveau au cœur du mois d’avril. Écrit en 1922, ce roman annonçait douceur, beauté, liberté, avec ce grain d’humour et de distance so british. C’était aussi l’occasion de découvrir une autrice que Lili affectionne depuis longtemps — notamment pour son Elizabeth et son jardin allemand.

À EXPLORER DANS CET ARTICLE :
Résumé du livre (sans spoiler)
Tout commence à Londres, par une journée grise et pluvieuse. Deux femmes, Lotty Wilkins et Rose Arbuthnot, se croisent à peine dans leur club pour dames, jusqu’au jour où l’une d’elles repère une annonce dans The Times : un château en Italie à louer pour le mois d’avril. Portées par un même besoin d’évasion, elles décident de partager la location, et recrutent deux autres femmes pour rendre l’aventure possible : l’élégante Lady Caroline Dester et la sévère Mrs Fisher.

Les quatre femmes quittent alors l’Angleterre pour San Salvatore, un castello baigné de lumière, suspendu au-dessus de la mer. Un lieu qui semble hors du temps, propice au calme, à la beauté… et peut-être, à une forme de réinvention.
Ce séjour inattendu deviendra le théâtre de révélations intimes, de rapprochements inattendus, de remises en question profondes — du moins, jusqu’à ce que les certitudes vacillent.
Notre lecture, sans filtre
Le début est une vraie promesse. Il y a quelque chose de touchant dans cet élan, dans cette envie farouche de fuir, de respirer, de retrouver une part enfouie de soi. Les dialogues sont savoureux, les décors envoûtants, la prose étonnamment moderne pour son époque.
« La glycine était si foisonnante qu’elle retombait plusieurs fois sur elle-même, et au bout de la pergola, le soleil donnait à plein sur de véritables buissons de géraniums pourpres, de capucines, de soucis tellement fauves qu’ils en flamboyaient… Les couleurs semblaient avoir été jetées au hasard par tout le paysage comme un peintre saisi d’enthousiasme. »
Mais rapidement, l’enchantement s’effrite. Ce n’est pas tant la lenteur ou la douceur du récit qui gênent, mais le tournant qu’il prend. Alors qu’on croit lire une histoire d’émancipation, on se retrouve face à un glissement narratif vers un retour à l’ordre. Les personnages féminins, pourtant introduits avec force et singularité, finissent par s’effacer dans des conclusions qui peinent à convaincre.
Certains portraits sont réussis, notamment celui de Lotty, qui rayonne de spontanéité, ou celui de Mrs Fisher, figée dans ses souvenirs d’un XIXe siècle qu’elle refuse de lâcher. Mais au fil des pages, l’équilibre se rompt. L’ironie cède la place à une morale quelque peu convenue, et les possibles d’un avenir neuf s’éteignent au profit d’une harmonie domestique facile. Une impression de promesse inaboutie.
Sous les fleurs, les limites de l’éveil : les thèmes qui parcourent le récit
Avril Enchanté aborde des sujets profondément humains : le poids de la solitude conjugale, l’usure silencieuse des rôles assignés et le désir de retrouver une part de soi à travers la quête de beauté. Le printemps, omniprésent, agit alors comme un miroir sensoriel de cet espoir de renouveau.
« Toute la splendeur d’un avril italien semblait rassemblée à ses pieds… Elle écarquillait les yeux, entrouvrait ses lèvres. Heureuse ? Oui elle était heureuse, mais que ce mot paraissait soudain pauvre, ordinaire, insuffisant ! »
Sous les parfums et les fleurs, une tension demeure : celle d’un récit qui frôle l’émancipation sans la faire advenir tout à fait. Le patriarcat y reste un cadre accepté, jamais véritablement interrogé. Les transformations sont douces, mais incomplètes. Les personnages féminins se frayent un chemin dans la lumière, sans toujours pouvoir s’y tenir. Le roman reste ainsi ancré dans une vision du monde très marquée par son époque.

Cette tension entre désir d’éveil et retour à l’ordre se manifeste chez chacune des protagonistes, à des degrés différents. Leurs singularités existent, mais toutes semblent rattrapées, au fil des pages, par un scénario de “rétablissement” social. Lady Caroline, par exemple, incarne d’abord une forme de retrait face aux injonctions sociales : belle, mondaine, constamment sollicitée, elle vient à San Salvatore avec l’espoir de se soustraire au regard des autres, de se dépouiller de l’image qu’elle incarne plus qu’elle ne choisit.
« Si pendant un mois entier elle pouvait se dépouiller d’elle-même… alors peut-être, en fin de compte, arriverait-elle à faire quelque chose de sa vie. »
Mais cette tentative d’effacement, comme les autres formes de transformation initiées par les personnages, semble s’inscrire dans une boucle refermée. L’illusion d’un éloignement salutaire finit souvent par céder la place à un retour aux cadres initiaux — parfois adoucis, jamais réellement remis en question.
Cela dit, le roman peut aussi se lire comme un témoignage précieux de ce que signifiait, en 1922, “oser partir seule en vacances”. Rien que cela, déjà, en dit long sur la condition féminine. On y voit un frémissement de libération. Mais un frémissement seulement.
« Les délicieux parfums qui flottaient partout à San Salvatore suffisaient à créer la concorde… Qui pouvait être fâché au milieu d’un tel enchantement ? »
En conclusion
Avec sa grâce tranquille, Avril Enchanté d’Elizabeth von Arnim enveloppe plus qu’il ne bouleverse. Il séduit par son atmosphère et son élégance, mais laisse en suspens les promesses d’un élan plus profond. Il conviendra à ceux et celles qui aiment les décors baignés de lumière, les ambiances méditatives et les récits où le paysage semble respirer avec les personnages. Moins, peut-être, à celles et ceux qui attendent un souffle d’émancipation plus franc.
Dans le cadre de notre sélection printanière, ce roman avait toute sa place : il célèbre les parfums, les couleurs, la douceur d’un mois d’avril rêvé. Mais au fil de la lecture, il laisse aussi entrevoir les limites d’un enchantement qui, malgré sa beauté, reste contenu. Une escapade agréable, parfois touchante, à savourer pour ce qu’elle éveille — en gardant à l’esprit ce qu’elle choisit de taire.
Avril Enchanté rappelle, à sa manière, que toutes les floraisons ne vont pas jusqu’au bout — et que c’est parfois cela aussi, le printemps. Il invite alors, en filigrane, à se demander si cet enchantement feutré suffit… ou si l’on attend, parfois, qu’un printemps ose un peu plus.
Notre Avis : ⭐️ ⭐️
Parlons-en
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💬 Vous est-il arrivé de croire à un début de métamorphose chez un personnage… avant de voir le récit refermer la parenthèse ?
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À très bientôt sur Deliciously Home !
VF : Amazon – Audible
VO : Amazon – Audible
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